Études greeniennes n° 8. Julien Green et les figures de la parenté

Éditorial, par Marie-Françoise Canérot.

Entre la détresse inconsolable d’avoir perdu, à l’âge de quatorze ans, l’amour et le soutien d’une mère divinisée et le « Famille, je vous hais » d’André Gide, ainsi se tient Julien Green dans ce numéro 8 d’Études Greeniennes. Éclatante modernité donc d’un écrivain dévastant par l’ironie l’ordre établi de la famille bourgeoise, la comédie du mariage, l’infantilisme des épouses, les pulsions castratrices des mères, le tragique sournois des hérédités, les ravages du désir mimétique ; s’exposant, impavide, à la curiosité féroce des psychanalystes en supprimant les pères ou en les croquant en bourreaux livrés, à l’abri de leur dignité sociale, aux pires concupiscences ; rivalisant, ici aussi sans peur, avec l’inhumanité de la vie humaine par l’horreur des souffrances évoquées : celles qui se déploient derrière tous les masques d’un désir amoureux interdit, étouffé. C’est donc le génie même de Julien Green que saisit la thématique des liens que la parenté crée entre les êtres : sa réceptivité exceptionnelle aux tourments de l’expérience humaine la plus commune, sa capacité d’en nourrir, dans la langue la plus limpide, les récits les plus chargés de sens.

Or le n° 8 d’Études Greeniennes a la chance et l’honneur d’accueillir le compte rendu de six ouvrages récemment parus ou réédités qui sont autant de contributions essentielles à la saisie de « la hauteur et la profondeur » de l’univers greenien. Par un rare bonheur, approches psychanalytiques, thématiques, philosophiques, pénétrations éclairées de la sensibilité de l’auteur au mystère, que celui-ci émane de l’homme, de Dieu ou de l’art, viennent remarquablement enrichir l’intérêt de cette plongée dans la conscience d’un écrivain étonnamment éveillée à la complexité de notre relation à l’autre, le parent, le plus proche.

C’est donc un ensemble d’une extrême richesse pour la « science », jamais achevée, du cœur humain que la SIEG met, avec ce numéro, à la disposition des lecteurs. En effet, cette « science », acquise à travers les brûlures de la vie, toute frémissante des bonheurs et des épreuves traversées, imprégnée de la singularité absolue d’un cœur qui, à travers celui d’une mère, connut l’amour, échappe toujours, venue de Julien Green, à un nihilisme simplificateur.

26 octobre 2017, par Alexandra Roux-Troyes

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