Éditorial, par Marie-Françoise Canérot.
Julien Green avait en abomination « les livres pieux ». Son journal ne cesse de les honnir : ouvrages édifiants qui prêchent une « bonne petite religion assoupissante et bénisseuse ». Par pudeur, mais surtout par respect pour la grandeur de l’expérience religieuse, il n’a eu de cesse que de purger son journal de confidences sur sa vie spirituelle jugées indécentes, donc indignes. Ce numéro 7 d’Études Greeniennes ne peut donc être un livre pieux.
Julien Green, amoureux des « pays lointains », savait par expérience que « le plus grand explorateur sur cette terre » est « celui qui descend au fond de son cœur et se penche sur les abîmes où la face de Dieu se mire parmi les étoiles ». C’est un voyage au très long cours que tentent de rapporter les pages qui suivent : jeux combinés de l’esprit, de la chair et du cœur à la recherche de ce qui manque essentiellement et que l’on nomme Dieu. Ce numéro 7 est le récit d’une aventure, peut-être de la plus vertigineuse aventure humaine.
« La religion est un brasier, non la religion des théologiens, mais la religion des mystiques. » Face à ce brasier et dans ce brasier, Julien Green, parce qu’il appartient à « la race des violents », mobilise toutes ses énergies : irritation, dégoût, terreur superstitieuse, épuisement du lutteur, fascination, ravissement, extase... Le numéro 7 d’Études Greeniennes est plongé, aux côtés du plus intrépide lecteur, dans la folie mystique de tous les temps... ...et il n’est pas un livre de morale, car Julien Green avait compris très tôt que la vie mystique est d’un autre ordre que la morale. Elle n’est pas respect de règles de vie, elle est façon neuve d’être au monde qui se dit en mots très simples, ceux de son journal de 1955 : « Tout ce qui ne se rapporte pas à Dieu d’une manière ou d’une autre m’ennuie à mourir. C’est tout. Cela explique le changement de mes goûts littéraires et, d’une façon générale, de tout ce que je fais. Cela ne veut pas dire que je sois meilleur, du reste. Sur ce point, je suis et serai toujours pessimiste. Mais je me sens autre. »
Julien Green et les mystiques aurait plu au cœur de Green.
(Toutes les citations sont empruntées au Journal de Julien Green)