Etudes greeniennes n° 4. Un Américain de Paris

Editorial

par Marie-Françoise Canérot

En parodiant celui d’un film célèbre, le titre d’Études greeniennes n° 4 donne tout son éclat au statut si particulier que Julien Green s’attribue : il est un Américain de Paris. Son enracinement dans la capitale française et ses droits inaliénables sur elle s’affirment dans cette formule avec une conviction hautaine dont il ne se départira jamais. Il est de Paris.

Mais, dans sa brièveté cinglante, cette affirmation ouvre sur la vertigineuse réalité de l’appartenance qui questionne toujours davantage notre monde : le pays où nous sommes nés est-il toujours notre pays natal ? À quelle part exacte de notre environnement appartenons-nous véritablement ?

Green, en effet, n’hésitait pas à s’affirmer « Américain de naissance » tout en déclarant par ailleurs : « Paris m’appartient puisque j’y suis né ». Qu’est donc un pays natal ? Celui dont vos proches vous ont toujours parlé parce que vous n’y êtes pas né, ou celui où l’exil vous a égaré et que vous avez passionnément aimé ? Ou les deux, dans un enrichissement de soi assez exaltant ? Mais, remarquons-le, Julien Green ne se veut pas français, il se veut parisien. Au mouvement d’expansion succède un mouvement de repli. Il ne se veut pas d’un pays, mais d’une ville (il est vrai si gigantesque à ses yeux d’enfant qu’elle se trouvait incroyablement ramassée en deux syllabes) ; il ne se veut pas de Paris, mais de certains lieux parisiens et de certaines heures qui lui parlent particulièrement ; il ne se voudra plus, un jour, de Paris, mais de ce seul bureau parisien où, jusqu’au terme de sa vie, il a eu la liberté d’être l’écrivain qu’il voulait être.

Le monde est toujours à la dimension de notre cœur... C’est la complexe histoire d’amour entre un Américain hanté par ses origines et « la plus belle ville du monde » que présente ce numéro 4, histoire d’amour où finalement tout se fond, pour Julien Green, dans la joie de se trouver au cœur d’une civilisation qui a fait du Beau une lumière pour l’homme, que celle-ci ait brillé au XIXe siècle dans le Sud des États-Unis, ou au XXe siècle dans la Ville qui, par chance, a fait de lui son enfant adoptif.

8 novembre 2012, par Marie-Françoise Canérot

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