C’est avec une émotion particulière que nous plaçons le troisième numéro d’Études greeniennes sous l’égide des Arts. Nous avons conscience, en effet, de toucher à ce qui constitue, avec la foi, l’essence de la vie humaine selon Julien Green.
Non seulement Julien Green est artiste en tant qu’il est écrivain, mais sa vie d’homme, répercutée dans les notations de son journal quotidien, est une quête ininterrompue de la Beauté dans la production artistique des divers temps et lieux. Et cette quête n’est pas démarche d’esthète, mais hommage à la Vie. À ses yeux, la persévérance dans l’Être se nourrit de l’émotion esthétique qui libère l’individu du joug de la nécessité, lui confère du prix, l’incite à se dépasser. Est pleinement homme, pour Julien Green, celui qui est libre de s’enchanter des beautés qu’il côtoie – œuvres du Créateur ou de l’artiste –, celui dont ni les oreilles ni les yeux ne sont offusqués par quelques démons politiques ou intérieurs : « Seuls les sourds et les aveugles traversent la vie sans être accablés de sa beauté sans cesse jaillissante. »
On perçoit la gravité du sujet abordé – et sa complexité. C’est l’homme total, et non seulement l’artiste, qui s’engage dans les liens tissés avec l’art : sa parole, qui fait coexister l’individuel et l’universel ; sa sensibilité et sa capacité de voir, d’écouter, de retentir, selon les temps et les lieux, aux couleurs, aux sons et aux mots ; sa mémoire et son imagination, qui tendent des fils inattendus de la peinture à la musique, de la peinture et de la musique à l’écriture ; son moi, qui oscille du plus superficiel au plus enfoui, du plus changeant au plus authentique, celui qui approche la Vérité.
Que nos lecteurs, au travers des pages qu’ils vont lire, puissent éprouver vers quelles richesses de sens nous entraîne l’exploration des rapports de Julien Green à l’art ; qu’ils partagent l’élan vers la Beauté et vers la Vie qui soutient tant de pages de son œuvre, en particulier de son Journal.
La rubrique « Archives » de ce troisième numéro pourra sans doute les y aider, où le poète Jean Mambrino célèbre l’art du diariste de nous entraîner Vers l’invisible (Journal, 1958-1966) perçu au cœur de notre monde. Magnifique hommage au poète en prose que fut celui qui, au côté de la peinture et de la musique, aima tant la poésie.
Marie-Françoise Canérot