La publication du Journal intégral de Julien Green – dont deux nouveaux volumes, couvrant les années 1940, viennent de paraître aux éditions Bouquins – est l’occasion de relire ses romans en exploitant les notations du diariste sur leur écriture. On peut en effet y suivre les réflexions d’un jeune romancier qui entre dans la carrière des lettres, réagit à ses lectures, se rend progressivement maître de ses techniques d’écriture, cherche à innover aussi par rapport aux premiers succès acquis. La version expurgée du Journal, complétée par les nombreux entretiens donnés par l’écrivain, a déjà permis d’entrer dans la fabrique de ses romans. Le fait de disposer d’une version désormais complète invite à approfondir encore l’étude de son travail d’écriture, pour un nouveau parcours de son œuvre romanesque. Cette journée prendra donc pour objet l’évolution donc de l’écriture greenienne de Mont-Cinère à Moïra ; mais il sera intéressant aussi d’observer l’exercice de la pratique narrative dans des formes brèves, qui s’amplifient d’ailleurs de The Apprentice Psychatrist aux Clefs de la mort.
Si la lecture du Journal peut irriguer une approche renouvelée de ces œuvres, elle n’en sera pas l’instrument unique ni même obligatoire. L’étude de l’art du romancier pourra passer par une analyse strictement interne des œuvres, sur les voies de la narratologie notamment, ou par l’étude génétique que permet leur édition dans la "Bibliothèque de la Pléiade", à défaut encore d’un accès direct ouvert à leurs brouillons. L’attention sera centrée sur le processus et les techniques d’écriture ; mais rien n’interdit bien évidemment de mener des analyses thématiques dans le cadre, par exemple, d’une réflexion sur l’écriture de l’obsession, sur le processus de fictionnalisation de l’expérience vécue, sur la mise en œuvre de la mimèsis…
En somme, le Journal sera une entrée privilégiée dans la fabrique de l’écriture de Julien Green ; mais l’enjeu de la journée sera, plus largement, de suivre le cheminement de cette écriture des premières nouvelles aux romans et d’un roman à l’autre, au fil des trente premières années de publication de l’écrivain, pour cerner avec plus d’acuité encore l’originalité de la poétique du roman greenien