Avant-propos
Non-dit et ambiguïté, deux tentacules qui plongent au coeur de la modernité de l’oeuvre de Julien Green. Car cette oeuvre que la limpidité du style apparente à une étendue d’eau transparente est un océan sans fond, trouble et inquiétant. Ballotté entre le refus de dire, la terreur de ne pas trouver les mots pour dire et le désir de dire le Tout, le romancier et le nouvelliste ne cessant d’écrire une oeuvre « ouverte », un « texte scriptible » où l’art de dire en disant autre chose, l’art de dire l’indicible ou de suggérer par des mots qu’il est impossible de dire, créent le vertige et l’excitation du lecteur. Comme les ouvrages célébrés par la Nouvelle Critique, les romans greeniens imposent une quête du sens que le dénouement ne satisfait jamais. Dans ce royaume de l’indécidable, l’ambiguïté triomphe. Elle voue à l’incertitude les sexes, les caractères, les conduites et jusqu’à l’existence de la réalité, tandis que le sens des mots, des citations et des titres oscille d’une interprétation à l’autre. On comprend qu’il faille avoir l’âme d’un poète pour aimer ces univers où l’on peut toujours perdre pied dans le rêve ou le fantastique.
Mais le silence pour Green comme pour tout homme est aussi d’ordre existentiel. Le journal et l’Autobiographie en font très naturellement un sujet de méditation, sans lui ôter l’ambiguïté de ses valeurs. Faut-il regretter le silence du secret inavoué quand celui-ci rehausse la grandeur de l’amour ? Faut-il préférer le silence à la maladresse des mots quand ceux-ci peuvent seuls éveiller la conscience ou donner le pardon ? Un écrivain n’est-il pas toujours un homme qui préfère les mots, si imparfaits soient-ils, au néant de la page blanche, image de la mort ? Ouvrir ce recueil, c’est donc s’embarquer, à la suite de Julien Green, sur une mer d’incertitudes et d’interrogations.
Marie-Françoise CANEROT
Table des matières
- Avant-propos de Marie-Françoise CANEROT - p. 7
- Jérôme POURCELOT : Les Indices de /Indicible dans Epaves - p. 9
- Jean-François BOURGAIN : L’ « étrange paradis » du Visionnaire : Le jeu du château et ses enjeux - p. 37
- Jean SEMOLUÉ : Moïra et Julien Green : ambiguïtés et certitudes - p. 63
- Michèle RACLOT : Méditation sur les pans d’ombre du Mauvais Lieu - p. 79
- Valérie CATELAIN : « Le Grand OEuvre de Michel Hogier » et « La Grille » Langage, Maïeutique, Sémiologie : de la connaissance de soi à la mise en question de l’Etre - p. 97
- Edith PERRY : Interprétations des Clefs de la mort - p. 115
- Daniela FABIANI : Ariane ange ou démon ? Le personnage féminin dans Histoires de vertige - p. 131
- Carole AUROY : Les Blessures de la parole dans l’Autobiographie greenienne - p. 145
- Hélène DOTTIN : L’Ambiguïté des portraits dans les romans de julien Green .... - p. 169
- Dominique VAN HOOFF : Le Naturalisme de Julien Green dans ses premiers romans - p. 185
- Guy FESSIER : Les Silences noirs et blancs de Julien Green - p. 201
- Michael O’DWYER : Le Pouvoir incantatoire du non-dit : Julien Green et la Musique - p. 211
- Anca SIRBU : Ambiguïté et non-dit dans les paratextes greeniens - p. 221